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1* pour l'intérêt "historique" du bouquin : Neruda semble s'être trouvé au "bon" endroit au "bon" moment tout au long de sa vie (en Espagne juste avant la guerre civile, en France avant l'occupation nazie, au Mexique avec les révolutionnaires du coin, en Chine avant la révolution culturelle, au Chili lors du coup d'état de 1973, etc.) et a donc connu une série de personnes et de lieux intéressants qu'il décrit dans son livre. Au-delà de cet aspect historique, j'ai été choquée principalement par 2 traits et demi de sa personnalité : sa misogynie et le viol qu'il décrit lors de son séjour à Colombo en tant qu'ambassadeur chilien; son aveuglement face aux dérives du communisme et du stalinisme; et son gros melon.
Sur ce dernier point, je trouve que le titre est déjà ronflant : "J'avoue que j'ai vécu" (Confeso que he vivido). Il n'arrête pas de se jeter des fleurs tout au long du récit : il a tout vu, il a tout fait, il a tout compris. Les paragraphes commencent souvent par "Maintenant" ("Maintenant j'ai fit ci, maintenant j'ai été là, maintenant j'ai résolu ceci...") et donnent l'impression d'avoir affaire à un adolescent qu'il faut constamment féliciter pour ses exploits. Les disputes qu'il décrit avec divers autres poètes/politiciens/personnalités sont toujours de la faute des autres. On aurait pu lui pardonner d'avoir pris le melon avec son prix Nobel et son titre de "plus grand poète du Chili", jusqu'à ce qu'on tombe sur les passages sur les femmes...
Évidemment, étant donné qu'il est LE poète du Chili, toute les femmes tombent dans son lit, sans qu'il n'y puisse grand chose. Les femmes sont des objets intéressants, qu'on peut se passer entre amis : "Elle suivit Alvaro dans sa chambre. Quant à moi je me laissai choir exténué sur mon lit mais je sentis soudain qu'on me secouait. C'était Alvaro [...] - Un phénomène ! me dit-il. [...] Il faut que tu te las croques immédiatement.
Quelques minutes plus tard l'inconnue se glissait, ensommeillée et indulgente, dans mon lit. En faisant l'amour avec elle je pus goûter son don mystérieux." (p.106)
Ou encore : "La solitude de Colombo était à la fois fastidieuse et léthargique. [...] Des amies de couleurs diverses passaient dans mon lit de camp, n'y laissant que le souvenir d'un éclair physique. [...] Mon amie Patsy arrivait souvent escortée de quelques compagnes brunes et dorées [...] qui m'offraient leur corps d'une manière sportive et désintéressée. [En parlant d'une de ces filles :] Sans aucun cynisme, comme s'il s'agissait d'une chose naturelle, la fille m'expliqua qu'une fois elle s'était donné à quatorze d'entre eux. [...] Ce n'était pas une prostituée : plutôt un produit colonial, un fruit candide et généreux." (p.150)
Et le pire, un passage où le grand poète chilien raconte comment il a violé une servante : "Elle était si belle qu'oubliant son humble fonction, je me mis à penser à elle. [...] Elle passait indifférente. [...] Un matin, décidé à tout, je l'attrapai avec force par le poignet et la regardai droit dans les yeux. Je ne disposais d'aucune langue pour lui parler. Elle se laissa entraîner sans un sourire et fut bientôt nue sur mon lit. Sa taille mince, ses hanches pleines, les coupes débordantes de ses seins l'assimilaient aux sculptures millénaires du sud de l'Inde. Notre rencontre fut celle d'un homme et d'une statue. Elle resta tout le temps les yeux ouverts, impassible." (p.152)
Même en replaçant ce récit dans son contexte du début du XXe siècle, au moment où les hommes sont tout-puissants et les femmes inexistantes dans la sphère publique, je ne comprends pas que cette personne soit toujours placée au panthéon de la littérature chilienne et soit toujours affichée avec fierté comme le représentant de la gauche chilienne, le grand compagnon de route de Allende. Il y a une chose que je ne pardonne jamais aux "intellectuels" de gauche, c'est leur aveuglement face aux crimes du communisme et du stalinisme en particulier et Neruda se vautre complétement dans une adoration ridicule de Staline. J'ai tout à fait conscience de l’attrait que peuvent avoir les théories communistes sur un anti-fasciste dans les années 30, au moment de la montée du fascisme en Italie/Espagne et du nazisme en Allemagne. Mais comment peut-on être assez bête pour écrire en 1949, après les famines en Ukraine & Qazaqstan, après les purges staliniennes, après le goulag, après le pacte germano-soviétique, après le dépeçage de la Pologne par Staline et Hitler et après l'occupation de toute l'Europe de l'est (avec les viols et tortures que cela implique) par l'armée rouge, les lignes suivantes :
"Je tombai aussitôt amoureux de la terre soviétique et je compris que non seulement elle offrait une leçon exemplaire à l'homme où qu'il vécut, un moyen de comparer les possibilités et un progrès constant dans l'art de produire et de répartir [...] A Moscou, les écrivains vivent toujours en pleine effervescence, en perpétuelle discussion. [...] L'homme soviétique, pour lequel sont ouvertes les portes de toutes les bibliothèques, de toutes les salles de classe, de tous les théâtres, est au centre des préoccupations de l'écrivain. [...] Comment ne pas être solidaire de ce peuple agressé par des invasions féroces, cerné par des colonialistes implacables?" (p. 296)
Comme dit le proverbe, il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir : "Mes yeux venaient de s'ouvrir à la grande révolution et je ne pouvais m'embarrasser de sinistres détails." (p.312) Neruda semble moins dupé par les conséquences de la révolution culturelle chinoise car il mentionne ses amis écrivains répudiés par le parti et le culte de la personnalité de Mao qu'il condamne. "Mais durant mon voyage j'ai vu comment des centaines de pauvres paysans se prosternaient pour saluer le portrait du modeste guérillero du Yun-nan, aujourd'hui déifié. [...] J'avais apporté ma contribution au culte de la personnalité, dans le cas de Staline. Mais c'était quand Staline nous apparaissait comme le vainqueur écrasant des armées de Hitler, comme le sauveur de l'humanisme mondial. La dégénérescence de sa personnalité fut un processus mystérieux, resté jusqu'à maintenant énigmatique pour beaucoup d’entre nous." (p.356)
Mais même ce demi-aveu d'aveuglement et d'imbécilité est contredit quelques pages plus loin : "Sur la route du retour, je m'arrêtai à Moscou. Cette ville est non seulement la magnifique capitale du socialisme, le siège de tant de rêves accomplis, [...] Résolument, Staline cultivait le mystère comme un système; ou alors c'était un grand timide, un homme prisonnier de lui-même." (p.468)
Pitié...Staline, l'homme qui a dit "La mort résout tous les problèmes. Plus d'homme, plus de problème", 20 millions de morts et 28 millions de déportations à son actif, serait un grand timide incompris par Pablo Neruda.
En conclusion, Neruda pour moi dorénavant c'est poubelle. Je me réconforte dans la littérature chilienne avec Bolaño, dont je comprends à présent le mépris pour Neruda et qui disait dans un interview "Je n'ai jamais aimé Neruda et je ne l'appellerais pas un de mes précurseurs. Celui qui est capable d'écrire des odes à Staline, tout en fermant les yeux sur l'horreur stalinienne, ne mérite pas mon respect." https://www.nzz.ch/article7ZAC8-ld.20...
Sur ce dernier point, je trouve que le titre est déjà ronflant : "J'avoue que j'ai vécu" (Confeso que he vivido). Il n'arrête pas de se jeter des fleurs tout au long du récit : il a tout vu, il a tout fait, il a tout compris. Les paragraphes commencent souvent par "Maintenant" ("Maintenant j'ai fit ci, maintenant j'ai été là, maintenant j'ai résolu ceci...") et donnent l'impression d'avoir affaire à un adolescent qu'il faut constamment féliciter pour ses exploits. Les disputes qu'il décrit avec divers autres poètes/politiciens/personnalités sont toujours de la faute des autres. On aurait pu lui pardonner d'avoir pris le melon avec son prix Nobel et son titre de "plus grand poète du Chili", jusqu'à ce qu'on tombe sur les passages sur les femmes...
Évidemment, étant donné qu'il est LE poète du Chili, toute les femmes tombent dans son lit, sans qu'il n'y puisse grand chose. Les femmes sont des objets intéressants, qu'on peut se passer entre amis : "Elle suivit Alvaro dans sa chambre. Quant à moi je me laissai choir exténué sur mon lit mais je sentis soudain qu'on me secouait. C'était Alvaro [...] - Un phénomène ! me dit-il. [...] Il faut que tu te las croques immédiatement.
Quelques minutes plus tard l'inconnue se glissait, ensommeillée et indulgente, dans mon lit. En faisant l'amour avec elle je pus goûter son don mystérieux." (p.106)
Ou encore : "La solitude de Colombo était à la fois fastidieuse et léthargique. [...] Des amies de couleurs diverses passaient dans mon lit de camp, n'y laissant que le souvenir d'un éclair physique. [...] Mon amie Patsy arrivait souvent escortée de quelques compagnes brunes et dorées [...] qui m'offraient leur corps d'une manière sportive et désintéressée. [En parlant d'une de ces filles :] Sans aucun cynisme, comme s'il s'agissait d'une chose naturelle, la fille m'expliqua qu'une fois elle s'était donné à quatorze d'entre eux. [...] Ce n'était pas une prostituée : plutôt un produit colonial, un fruit candide et généreux." (p.150)
Et le pire, un passage où le grand poète chilien raconte comment il a violé une servante : "Elle était si belle qu'oubliant son humble fonction, je me mis à penser à elle. [...] Elle passait indifférente. [...] Un matin, décidé à tout, je l'attrapai avec force par le poignet et la regardai droit dans les yeux. Je ne disposais d'aucune langue pour lui parler. Elle se laissa entraîner sans un sourire et fut bientôt nue sur mon lit. Sa taille mince, ses hanches pleines, les coupes débordantes de ses seins l'assimilaient aux sculptures millénaires du sud de l'Inde. Notre rencontre fut celle d'un homme et d'une statue. Elle resta tout le temps les yeux ouverts, impassible." (p.152)
Même en replaçant ce récit dans son contexte du début du XXe siècle, au moment où les hommes sont tout-puissants et les femmes inexistantes dans la sphère publique, je ne comprends pas que cette personne soit toujours placée au panthéon de la littérature chilienne et soit toujours affichée avec fierté comme le représentant de la gauche chilienne, le grand compagnon de route de Allende. Il y a une chose que je ne pardonne jamais aux "intellectuels" de gauche, c'est leur aveuglement face aux crimes du communisme et du stalinisme en particulier et Neruda se vautre complétement dans une adoration ridicule de Staline. J'ai tout à fait conscience de l’attrait que peuvent avoir les théories communistes sur un anti-fasciste dans les années 30, au moment de la montée du fascisme en Italie/Espagne et du nazisme en Allemagne. Mais comment peut-on être assez bête pour écrire en 1949, après les famines en Ukraine & Qazaqstan, après les purges staliniennes, après le goulag, après le pacte germano-soviétique, après le dépeçage de la Pologne par Staline et Hitler et après l'occupation de toute l'Europe de l'est (avec les viols et tortures que cela implique) par l'armée rouge, les lignes suivantes :
"Je tombai aussitôt amoureux de la terre soviétique et je compris que non seulement elle offrait une leçon exemplaire à l'homme où qu'il vécut, un moyen de comparer les possibilités et un progrès constant dans l'art de produire et de répartir [...] A Moscou, les écrivains vivent toujours en pleine effervescence, en perpétuelle discussion. [...] L'homme soviétique, pour lequel sont ouvertes les portes de toutes les bibliothèques, de toutes les salles de classe, de tous les théâtres, est au centre des préoccupations de l'écrivain. [...] Comment ne pas être solidaire de ce peuple agressé par des invasions féroces, cerné par des colonialistes implacables?" (p. 296)
Comme dit le proverbe, il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir : "Mes yeux venaient de s'ouvrir à la grande révolution et je ne pouvais m'embarrasser de sinistres détails." (p.312) Neruda semble moins dupé par les conséquences de la révolution culturelle chinoise car il mentionne ses amis écrivains répudiés par le parti et le culte de la personnalité de Mao qu'il condamne. "Mais durant mon voyage j'ai vu comment des centaines de pauvres paysans se prosternaient pour saluer le portrait du modeste guérillero du Yun-nan, aujourd'hui déifié. [...] J'avais apporté ma contribution au culte de la personnalité, dans le cas de Staline. Mais c'était quand Staline nous apparaissait comme le vainqueur écrasant des armées de Hitler, comme le sauveur de l'humanisme mondial. La dégénérescence de sa personnalité fut un processus mystérieux, resté jusqu'à maintenant énigmatique pour beaucoup d’entre nous." (p.356)
Mais même ce demi-aveu d'aveuglement et d'imbécilité est contredit quelques pages plus loin : "Sur la route du retour, je m'arrêtai à Moscou. Cette ville est non seulement la magnifique capitale du socialisme, le siège de tant de rêves accomplis, [...] Résolument, Staline cultivait le mystère comme un système; ou alors c'était un grand timide, un homme prisonnier de lui-même." (p.468)
Pitié...Staline, l'homme qui a dit "La mort résout tous les problèmes. Plus d'homme, plus de problème", 20 millions de morts et 28 millions de déportations à son actif, serait un grand timide incompris par Pablo Neruda.
En conclusion, Neruda pour moi dorénavant c'est poubelle. Je me réconforte dans la littérature chilienne avec Bolaño, dont je comprends à présent le mépris pour Neruda et qui disait dans un interview "Je n'ai jamais aimé Neruda et je ne l'appellerais pas un de mes précurseurs. Celui qui est capable d'écrire des odes à Staline, tout en fermant les yeux sur l'horreur stalinienne, ne mérite pas mon respect." https://www.nzz.ch/article7ZAC8-ld.20...